vendredi 13 novembre 2015

Beaucoup de sang pour une princesse : un bon Manchette et un grand Cabanes.

La princesse du sangintégrale
Cabanes d'après manchette. Adaptation Doug Headline
Dupuis, nov 2015

On a déjà chroniqué rapidement ici, à l'occasion de la parution du tome 2, cette histoire de jeune fille de bonne famille enlevée, puis récupérée en grand fracas par un para militaire, et cachée de ses ravisseurs dans la jungle durant des années...avant d'être retrouvée, pas vraiment par hasard, par une photographe de guerre, mêlée malgré elle à une histoire d'espionnage internationale.
On avait aimé cette adaptation d'un roman inachevé de Manchette, auteur français culte de polars des années 70.
Aussi, on s'attardera surtout sur ce qui fait l'intérêt de cette intégrale.

...Il avait eu le nez fin Doug Headline, son fils, de choisir ce texte d'aventure, d'un genre nouveau, que son père voyait se dérouler comme un cycle : " Les gens du mauvais temps". Et même s'il n'a pas eu le temps de l'achever, son fils a eu l'excellente idée de faire appel à Max Cabanes, dessinateur plutôt marqué années quatre vingt, dont il ignorait le fil de la carrière à ce moment là.
Max cabanes qu'on a connu  lui aussi avec au moins deux périodes  : celle de "Les Villages", chez Dargaud, au tout début des 80's, étrange aventure éditoriale alors complètement déjantée, puis, autour des "Colins maillard", dans les année 90, où l'on a pu jauger de sa faculté à nous dessiner de très belles jeunes femmes pulpeuses,  fantasmes d'une enfance apparemment heureuse.. Avant qu'au milieu d'autres projets, certains titres installent insidieusement ce dessinateur dans la catégorie des auteurs réalistes, sans trop de bruit.
Je pense au dyptique des "Bellegamba", (2002) ou déjà se dessine ce trait particulier qui retiendra notre attention ici.
On peut aussi citer "La maison Winchester", (2004) chez Glénat, collection Loge noire, dont le sujet et le rendu ont du en surprendre plus d'un.
C'est donc a peu près à ce moment que Doug Headline fait appel à lui, et qu'ensemble ils travaillent sur le premier volume des aventures d'Ivory Pearl, la jeune femme indépendante, photographe de guerre, dans les années 50. (Dupuis, collection Aire libre 2009)

Ivory ne s'en laisse pas compter
©Dupuis/cabanes/Manchette
L'auteur travaille aussi sur une adaptation cinéma, et les versions s'accumulent. 
Le tome deux parait en 2011, et on tient là un superbe récit d'aventure politique, truffé de rebondissements, et de va et viens historiques et géographiques,  mêlant  espionnage et fiction, et puisant intelligemment dans les événements de l'époque : trafiques d'armes, enlèvements, putsch... Une réussite.
P.7 ©Dupuis/Cabanes/Manchette

Quatre ans plus tard, et alors que la critique a plutôt bien accompagné la parution des précédents tomes, voilà une dernière version, réarrangée, et rehaussée de 31 planches. (*)

Une aubaine,  et le sentiment de tenir vraiment un bon et bel album, et sûrement l'un des meilleurs de Max Cabanes.
Son dessin a en effet  tellement évolué qu'on le reconnait à peine.  Un trait beaucoup plus fin, comme esquissé, et pourtant encré. Un style nerveux très personnel qui m'a cependant par moments fait penser à Antonio Parras (le Lièvre de Mars).
Ceci dit, sur certaines cases, un peu plus grosses (effet de zoom numérique voulu, ou involontaire, car légèrement pixellisé), on retrouve le trait plus épais et rond de l'époque  Collin Maillard.

Bref, assez fait de détours, vous l'aurez compris : on aime le nouveau Cabanes, et le style des Manchette  lui va très bien, faisant de cette intégrale un incontournable de votre bibliothèque de bdphile. Et bien sur, une excellente idée de cadeau au passage pour les fêtes de fin d'année !


(*) D'après l'autocollant ornant la couverture. Planches complétées en fin de volume par 21 pages de notes de Manchette, un propos de Doug Headline, quelques croquis,  et les couvertures des précédentes éditions, dont celle d'un coffret.


A lire : l'interview des auteurs sur ActuaBD

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