dimanche 27 avril 2014

Alham : un rêve pas si triste que ça.

Ahlam
Guillaume Penchinat
Le potager moderne
Nov 2013
Le potager moderne est une structure d'édition de bandes dessinées Lorraine (Maxéville, vers Lunéville), depuis 2006. Elle publie une revue : Patate douce, dont le numéro 11 a paru en janvier. Avec une dizaine de titres à son actif, (sans les revues), on peut dire que c'est une micro structure; mais elle défend des auteurs de talent et méritant, c'est ce qui fait son intérêt.

http://potagermoderne.fr/
Guillaume Penchinat est le dernier d'entre eux. Né en 1986, celui-ci, formé à Montpellier a intégré l'atelier "En traits libre", (où l'on croise entre autre aussi Matt Konture), où il a écrit en 2013 ce premier album.

Il a aussi publié quelques bandes numériques sur Grand papier, qui est un projet de revue web de l'Employé du moi, autre structure d'édition, bruxelloise celle-ci, et dont on avait déjà eu l'occasion de parler ici.
Grand papier regroupe à ce jour 479 auteurs.

Synopsis :
Ahlam est un jeune homme pas très bien dans sa peau, qui apprend par hasard de la bouche de sa mère, à la terrasse d'un café, qu'il a eu une semeur jumelle, morte à la naissance.
Cette révélation va l'entraîner dans une voyage introspectif surréaliste inspiré de la descente aux enfers de Dante, où il apprendra à mieux vivre sa condition.



Guillaume Penchinat nous accueille dans son premier album (petit format dos carré collé de 102 pages), avec un style au trait noir et blanc assez libre, mais allant à l'essentiel. Les décors sont sobres, et les personnages sans détails inutiles. On est dans l'indépendant français, qui sait raconter une histoire, sans faire d'esbroufe avec le dessin.
Cette histoire respire le grand air (beaucoup de scènes se déroulent dans de grands espaces, sur de l'eau, ou dans des déserts), bien que l'aspect quelque peu cauchemardesque du récit lui donne un air étrange.
Mais notre héros, puisque c'en est un, trouve en Charon, le passeur des âmes, un partenaire bienvenu, qui lui permet d'aller au bout de son aventure intérieure.

Un album sympathique, original, et une découverte d'auteur à suivre.

Ps : Alham est un prénom féminin qui signifie "songe" en arabe.

---

> On ira consulter avec beaucoup d'intérêt le site Grand papier.org, où de nombreux strips et bandes d'auteurs alternatifs sont à découvrir.
Les albums de l'Employé du moi sont aussi pour vous si vous appréciez ce genre de livres.

Le blog de guillaume (mais malheureusement innondé de pubs pop up :-(
http://laventuresolitaire.over-blog.fr/

156

mardi 22 avril 2014

Elephantmen : une série guerrière SF à découvrir ! (si on s'accroche)

Elephantmen  T2
Forces armées

Richard Starkings/Moritat, Boo Cook, Marley Zarcone, Dough Braithwaite, Rob Steene
Janvier 2014

Je n'avais pas encore eu l'occasion de parler d'Elephantmen*.Il s'agit de la série créée par Richard Starkings en 2006 chez Image comics, pour palier au timing allongé de José Ladronn, le dessinateur attitré sur la série première liée à ces créatures africaines hybrides, mi hommes mi animal, dans un univers de polar. (Voir Hip flask, 2002 : un seul tome sur 4 paru en France).
Elle se focalise, tel un préquel, sur la période trouble et guerrière où les créatures monstrueuses créées par le docteur Nikken combattent les humains.

Ce deuxième tome est censé correspondre au recueil US : Elephantmen 0, (dixit les dernières pages de garde), mais contient en réalité quasi uniquement les épisodes : War toys 1 et Elephantmen # 34 et 35.
C'est la suite directe des premiers épisodes de guerre publiés dans "Jouet de guerre" où l'on a fait connaissance avec Yvette, cette rebelle et tueuse d'Elephantmen, qui grave au couteau le front de ses victimes.
Jouets de guerre français = Armed forces US !?

Détail :

Ouverture (7 p.) : Nous sommes en Norvège en 2240 : Yvette, laissée pour morte dans le précédent épisode, est récupérée par une autre troupe de l'armée  menée par une autre femme : Janis Blackthorne.

"Des Elephantmen !" Norvège 2240 (31 p. ) Où dans une tout autre registre graphique, plus enfantin, on découvre la convalescence d'Yvette, dans une ferme norvégienne. Ellle va se lier avec le jeune homme nommé Voight, et faire un jalouse la petite soeur : Agathe.

"Le général tigre de pierre" Sibérie 2239 (26 p.) et "Le tambour de la porte du tonnerre" (33 p.) : Où les Elephantmen se retrouvent pris entre deux feux : celui des troupes d'Yvette, et celui de Tigres ninja "elephantmen" chinois.


P.53 de ce recueil (ici ed US)


"Patient zéro" Afrique du nord 2218  (27 p.) nous replonge quelques année dans le passé, où le docteur Nikken réalise ses premiers expériences atroces, dans des bocaux. Un dessin noir terrible, et un récit bien glauque.
La diversité graphique d'Elephantmen
Ici "Patient zero"
Tiré de : superheroreviews.blogspot.fr
"Les vétérans"  californie 2259 (5 p.)  conclue ce volume, avec une petite poésie en couleur pastels restituant l'après guerre, où deux vétérans, un elephantmen et un vieil homme se retrouvent devant la tombe d'Elisabeth Perry (qui est-elle ?). Un moyen de raccrocher quelque peu à l'univers Hip flask, dans la continuité de l'autre sérié polar.
Une galerie de 10 pages (diverses couvertures, et notice biblio) complète les 152 pages.

Au final, un second volume intéressant quoi que disparate en termes de dessins et de scénarios (1). On lira à ce sujet avec intérêt l'article de Kab sur France comics.
Personnellement, j'adore (aussi) le style gras et les couleurs pastels de Doug Braithwaite, que l'on a vu sur Green lantern, sans pêché, XO Manowar (couverture tome 2), et Storm dogs en ce moment. Pourtant, ce n'est pas le dessinateur le plus mis en valeur sur la couverture.


(*) Et pourtant, cela fait  plus de 10 ans que l'on suit de loin la publication de Hip Flask, (4 tomes parus à ce jour sur 5 prévus), série originale créée par Joe Casey et Ladronn, découverte dés 2002 via les revues Scarce et Swof en France, et sur laquelle on reviendra par ailleurs dans ces lignes ou sur un blog ami.

Voir d'ici-là l'univers complet sur : http://www.hipflask.com/category-s/1815.htm

(1) Imbroglio de publications : "Armed forces", ce deuxième recueil français est en effet le titre US du premier volume (volume 0 d'Elephantmen), tandis que "Jouet de guerre", (premier volume français), possède la couverture de ce tome 0 américain, et s'ouvre avec l'épisode intitulé "Forces armées" !
...Et avec la problématique de la série Hip flask, interrompue à ce jour, et dont les premiers épisodes sonr repris dans le premier tome français d'Elephantmen... il y a de quoi s'y perdre.


155

vendredi 11 avril 2014

Kanopé : à l'abri de la forêt mère

Kanopé
Louise Joor

Delcourt/mirages
Mars 2014


Un nouvel auteur dans la grande famille de la Bande dessinée, cela est toujours remarquable, surtout s'il s'avère que cet auteur délivre son premier album, et se fait signer par un grand éditeur.
C'est le cas avec Louise, bruxelloise de naissance, qui fait son entrée tonitruante, mais en même temps à pas bien pesés dans l'univers de la science-fiction verte.

"Verte", car en effet, son tout premier album, du nom de l'héroïne qu'elle a créée : "Kanopé", fait aussi référence à la végétation, très dense, d'une histoire se déroulant dans une Amazonie futuriste, oppressée par les restes radioactifs d'une guerre mondiale déclarée 119 ans plus tôt.

Nous sommes en 2137, et ce qui reste de la jungle amazonienne appartient toujours à la nature, quelque peu modifiée par les radiations, mais aussi à quelques êtres humains, se faisant appeler "le peuple", qui vivent dans une sorte d'harmonie retrouvée avec les éléments naturels. Kanopé, devenu orpheline, vit elle à l'écart de cette tribu, survivant de la chasse, dans la cabane de ses parents perchée en haut des arbres.
A l'extérieur de cette zone dangereuse, et non aseptisée, le reste de la population survivante, devenue un peu folle, ingère des pilules en guise de repas, et est tombée dans une sorte de société répressive peu reluisante.
Jean, un informaticien hacker issue de celle-ci, trouve refuge in extrémis et en catastrophe dans ce milieu verdoyant mais hostile,  afin de fuir ses poursuivants.  Sa rencontre avec Kanopé va changer sa conception de la vie, tout comme le destin des hommes.

…On aborde Kanopé avec plaisir, grâce au dessin agréable et rond de son auteure. Les couleurs douces nous invitent à la lecture, et le découpage efficace de la demoiselle empêche toute digression.
Le scénario quant à lui se révèle très intéressant, et sa base post-apocalyptique dévoile des idées et solutions, qui font le fruit, c'est le cas de le dire, de cette aventure, sans utiliser les poncifs de la fantasy à la mode. Kanopé serait à cet égard davantage à rapprocher d'un Tarzan moderne, sans la relation aux singes.
Kanopé/Louise ?

En 124 pages, c'est le format que Louise a trouvé pour raconter sa belle histoire, l'auteure mêle réflexions sur la préservation des espèces (clin d’œil au passage à princesse Mononoké ?), au respect de la nature, à l'identité humaine, aux problèmes de radiations, tout en abordant les sujets du deuil et de la vie en solitaire.

Le mérite de Louise Joor réside donc dans le fait d'avoir su créer en solo un premier album de grandes qualités, qui arrive à émouvoir. C'est un atout rare, qu'il faut souligner.
Un album chaudement recommandé, et tous publics.


Nb : la première édition est accompagnée d'un ex libris de Philippe Buchet, qui signa aussi une préface.

Voir la blog de Louise, où elle nous livre un petit reportage sur la fabrication de son album.

154 

mercredi 2 avril 2014

La vallée : où l'on ne dira pas que cet album est un chef-d'oeuvre caché.

La vallée
1 Meli-meylaud dans la vallée

Forneri/Trystram - Ruby (couleurs)
Dupuis
Avril 2014

Véritable ovni dans la production BD actuelle : la Vallée, de part l'incongruité et la folie qui le caractérisent, dégage le parfum suranné des années 70/80. Années où le cinéma de Mocky produisait des oeuvres inclassables, où la bande dessinée proposait des Ash Barrett (Vincent Hardy), ou le Bal de la sueur (Riff rebbs) et où tout était permis. Impossible de ne pas penser aussi à Jean Claude Forest, bien sûr, père spirituel de bien d'artistes dans ce domaine, dont la poésie n'avait d'égale que son originalité folle.

Edwin, jeune bureaucrate a été dépêché par sa hiérarchie pour ouvrir un bureau dans "la vallée", sorte de village au bord de la mer, créé par les Etablissements généraux (EG), où les gens et les choses se comportent bizarrement. Dans le tramway qui ne va nulle part, notre jeune homme est abordé par Valéria, une belle rousse qui semble intéressée par son profil. En effet, Edwin ne comprend pas pourquoi les gens qui l'entourent sont si étranges. Valéria et son père, le docteur Meylaud, qui semble être responsable de ce qu'il convient d'appeler un asile ouvert, vont lui expliquer la raison de cette situation, et l'envoyer en mission pour tenter de résoudre les deux meurtres récents commis dans ce village pas comme les autres.

Tenter de résumer le scénario de La Vallée ne saurait en aucun cas traduire le ton et l'originalité de cet album de 56 pages grand format.
Pascal Forneri signe là son premier album bande dessinée, et ce quadragénaire venant de l'audiovisuel dénote très fortement aux sein de la production éditoriale actuelle.
La couverture, l'entrée en matière abrupte, les dialogues, frappent par leur force surréaliste, tout comme une poésie intrinsèque porte le récit.
A cet égard, on pourra tenter quelques parallèles cinématographiques, et si j'ai cité Jean Pierre Mocky en début de chronique, en pensant à la folie du village de "la grande frousse", (1964) ou celle d'"Un drôle de paroissien" (1963)… on pourra en imaginer d'autres.
 La scène de nuit des révélations de la nounou de Valéria, (page 46), a par exemple "un je ne sais quoi" de l'ambiance des confidences de Jim Carrey à son copain, dans "The Truman show" (1998)

D'autant plus que les couleurs chaudes et psychédéliques de Ruby mettent particulièrement en valeur le dessin peu courant, mais agréable et très expressif de Trystram, repéré il y a plus d'un an sur le récit maritime fantastique : "Pacifique".
Sur ce dernier point,  on notera d'ailleurs page 16, dans le passage consacré à la recherche en bibliothèque, les beaux clins-d'oeil à quelques grands auteurs du Neuvième art : Crumb, Franquin, Edika, Uderzo… et on s'amusera à trouver dans cette grande case fourmillant de détails* toutes les allusions et hommages plus ou moins évidents.
(* ou page 38, au Amuséum : Et pif : BD US underground, et Bing : Donald, et Boom : un Trondheim en canard. Quant à Coucou, maître de cérémonie masqué d'une réunion secrète, il s'agit d'un hommage à peine déguisé aux "Cigares du Pharaon" d'Hergé.

On a l'impression que Forneri, grand amateur de BD, rentre par une porte dérobée  dans cet univers, car le choix du scénario et ce format de one-shot, cependant inclus dans une volumaison, ne va sans doute pas trouver facilement son lectorat. D'autant plus que l'éditeur historique de Spirou et d'autres séries classiques a fait le choix de ne l'intégrer dans aucune collection connue (cela aurait pu être "Aire libre"  !?). Les requins marteaux faisant aussi un bon éditeur potentiel.

Il n'en demeure pas moins que cet homme a du talent, et l'univers qu'il a créé avec Trystram et Ruby restera dans les annales, même s'il ne fait partie du top 10 des ventes de BD.

> Original, tordu, mais charmant, et très prometteur.
Et…tous publics.

153

Analyses