lundi 16 décembre 2013

Battling boy : un bel hommage aux enfants héros

Battling boy t1
Paul Pope
Urban comics Indies
Octobre 2013

Battling boy, un gosse de douze ans, descendu littéralement des nuages par son père à Arcopolis, mégalopole du futur située au beau milieu d'un désert, assiégée par une horde de monstres.
Arcopolis, harcelée aussi par une bande de goules réfugiée dans les sous-sols de la ville, passant le plus clair de son temps à enlever les enfants du reste de la population.
Au dessus d'eux : un monde de dieux, tel Hasgard, d'où provient Battling boy.

La mission de ce garçon blond : faire ses preuves, alors que le héros d'Arcopolis, Haggard West, vient de tomber sous les coups des goules.
Mais Aurora, la fille d'Haggard, connait les secrets de son père, et compte bien relever le défi elle aussi…


Il s'agit d'une révélation, et il était temps pour Paul Pope, considéré depuis pas mal d'année comme une des grands talents américain de comics alternatif, (et déjà publié à 5 reprises par chez nous, mais peu (re)connu du grand public.)
L'univers de cet auteur est riche, son dessin aux aplats de noirs de plus en plus attachant, et il se pourrait bien que cette fois-ci, avec les couleurs adaptées et une histoire plus que sympathique et originale, la reconnaissance soit au rendez-vous.
Page 4 du récit.
©Urban comics/Paul Pope
Car si Battling boy rappelle, dans l'ordre :  Joe l'aventure intérieure (lu et chroniqué récemment, chez le même éditeur), avec son univers onirique de batailles et de monstres; Omega l'inconnu, (cape et pouvoirs d'un gars normalement ordinaire), Number 8 de Matsumoto, pour ses êtres difformes et fantastiques, dans une décor désertique; ou Amer béton, du même mangaka, pour l'ambiance urbaine, il rajoute, et cela n'est pas étonnant de la part d'un auteur que l'on sait inspiré par toutes les cultures bédéphiles, un hommage à Jack Kirby avec la présence de ces dieux d'Hasgard, (mythologie nordique de Thor, voir ce titre) et ce garçon aux pouvoirs étonnants.
Tout cela pourrait être étouffant, mais est mixé avec tellement de talent, que Battling boy se révèle comme un album très charismatique.

Si je devais retenir une chose de ce premier tome, je dirais que ce récit pose la question de la filiation, et met en avant les responsabilités (et les pouvoirs) laissés aux générations futures.
Comment ceux-ci se débrouilleront avec les problèmes engagés par leurs parents, et sauront-ils faire face et trouver des solutions, sans sombrer dans l'auto satisfaction ?

... Espérons que Batlling boy volume 2, attendu avec impatience, saura apporter quelques réponses à ces questionnements !

Nb : Bien qu'il mette en avant deux héros pré-adolescents, il ne s'agit pas à proprement parler d'un album jeunesse. Ceci dit, la culture comics présente, avec ses références, conserve un niveau de lecture tout à fait facile.
Celui-ci peut donc être conseillé aux jeunes publics, (collège), car il n'est à aucun moment fait état de violences cruelles et/ou de torture, ou d'actes sanguinaires.


> Voir Paul Pope au travail dans son atelier :



mercredi 4 décembre 2013

Melville : il faut tuer le père (et c'est tout !)

Melville, l'histoire de Samuel Beauclair
Romain renard
Le Lombard
Octobre 2013

Rares sont les livres qui vous interpellent dés la couverture, puis par le biais de leurs planches, aux couleurs étranges et inquiétantes.
Melville fait office d'ovni en librairie avec son grand format cartonné à la couverture mat. On ne sait trop à quoi on a à faire, et le bandeau rouge qui le parcourt en large, nous invitant à visionner la version augmentée (sur application) de ce récit, rajoute à la curiosité de départ.

De nos jours, à Melville, Canada, petite ville provinciale de 4000 âmes, Samuel, jeune auteur en devenir, vit avec Sarah, dans l'ex maison de son père, Thomas Beauclair, écrivain connu.
Il a laissé son propre appartement, et essaie tant bien que mal, dans ce coin reculé, de retrouver l'inspiration, pour un deuxième roman. Sarah est enceinte, et on sent bien que leur relation bât de l'aile.
C'est pourquoi Samuel cherche à fuir, encore un peu plus. Pour cela, il répond à une petite annonce au drugstore du coin, et s'improvise peintre en bâtiment chez deux voisins : David et sa soeur Rachel.
Cela se passe bien, et Salmuel fait durer le plaisir en venant régulièrement, en "oubliant" néanmoins de parler de Sarah.
…Rachel et lui tombent amoureux, ...font l'amour… et il en profite pour se livrer sur un épisode de son enfance. Histoire  étrange et tragique contée par son père, qui le hante.

Le lendemain, après s'être une énième fois disputé avec Sarah, qui apparaît de plus en plus comme un personnage étrange, il ne revient pas travailler chez David.
Entre temps, un incendie, en cette période de sécheresse, éclate non loin, embrasant toute la forêt…
Pages 74-75 : le récit du passé, une alternative bienvenue.

Si je ne connaissais pas encore Romain Renard, artiste multiple : scénariste, dessinateur, auteur, compositeur, chanteur guitariste , il a tout de même produit une poignée d'albums dont le déjà remarquable : American seasons.

Il semble que sa technique graphique, pouvant rappeler un mix étrange entre Cromwell (Le dernier des Mohicans) et Emmanuel Lepage, magnifié par une colorisation aux tons sépia, donnant un aspect très fantastique à l'ensemble, a atteint une sorte d'apogée. On entre avec délectation dans ce récit qui sent bon le polar rural, et flirte avec l'étrange dés les premières pages. Cependant, l'intrigue, plutôt poétique louvoie entre ces univers, et nous tient en haleine jusqu'à la 128 eme page.

Pages 2-3 du récit : mise en ambiance...

Le fait d'avoir choisi l'ambiance canadienne et les grands espaces, quoi que ce récit nous entraîne dans une sorte de huit clos, jusqu'aux scènes finales de fuite en forêt, rajoute à l'originalité d'un récit français. Et d'ailleurs, cette fuite de fin de récit se déroulant au milieu des flammes, n'enlève pas cette sensation d'oppression : > Samuel doit s'extirper d'un cauchemar, et il y arrivera, mais pas sans aide.

Romain Renard propose une application sur Ipad gratuite qui dévoile des aspect supplémentaires du livre, mais sur la page Facebook liée, on peut s'immerger dans deux morceaux exceptionnels : "Sycomore dreams" et "la Partie de chasse", qui, dans un style évidemment american folk, font remonter à la surface toute l'ambiance désespérée des années 80 de groupes comme les Woodentops*, ou le chant d'un Chris Isaac.

Au final, un cadeau de découverte majeure : bon roman graphique, et grand artiste musical.

Nb : On peut voter pour Melville sur la page PrixBD Fnac, jusqu'au 16décembre :
http://www.prixbdfnac.com

(*) 31 12 2013 : J'aurais même plutôt du citer Giant sand





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