dimanche 28 décembre 2014

Le sourire de Rose : un album tendre et prenant

> Le temps des bilans est là.. et si cet album n'est pas une nouveauté à ce jour, il fait partie des bonnes découvertes de 2014 :
Le sourire de Rose
Sacha Goerg
Casterman
Mai 2014

Desmond Wilson est un trentenaire en passe de divorce, qui vient de perdre son boulot à la banque. il a un fils : Théo, qu'il ne voit que très rarement, car sa femme, un peu revancharde et qui a trouvé un nouvel ami, abuse de la faiblesse de Desmond pour lui spolier son droit de garde.

Un jour d'hiver, alors qu'il sort de l'école, où il n'a pas pu récupérer son fils, il tombe sur Rose, une jeune et belle femme brune , poursuivie par deux individus louches. Malgré lui, et parce que ça n'est pas un mauvais bougre, il va aider Rose et se fourrer dans un drôle de pétrin.
...Le risque en vaudra la chandelle.

Sacha Goerg est un jeune auteur d'origine suisse qui a émigré à Bruxelles où il a co fondé la structure d'édition "L'Employé du moi" avec d'autres passionnés. Édité au sein de cette maison puis chez Dupuis ("Les autres gens"), et Dargaud ("La fille de l'eau", 2012), il signe là un album remarquable.



Pré publié sous forme numérique dans l'excellente revue en ligne Professeur cyclope (#6 à 10, de Septembre 2013 à janvier 2014), le Sourire de Rose a eu la particularité de proposer un procédé de lecture originale : le turbo média. Celui-ci consiste à développer une animation case par case, voire bulle par bulle, qui offre une expérience beaucoup plus dynamique et originale que le simple feuilletage d'une page.

J'ai bien aimé au final :

- Le suspens développé par l'auteur dans ce polar, et le procédé de turbo média mis en œuvre à cette occasion, parfaitement réussi.
- Découvrir cette histoire sous forme d'épisodes, (à partir du chapitre 3 du livre édité en fait, sur Professeur cyclope).

- L'humanité des personnages. leur modernité, leur simplicité, leur naturel. Cette histoire d'amour a quelque chose de réconfortant.

Sacha Goerg a atteint son but : créer un dynamisme adapté à ce scénario course-poursuite, qui fonctionne même une fois "écrasé" sous forme papier. La magie opère toujours, et on apprécierait de revoir ces personnages attachants sur petit écran.


A découvrir : le blog de Sacha, avec la possibilité d'acquérir son fanzine auto-publié", "Nu" : http://sachagoerg.com/professeur-cyclope

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lundi 22 décembre 2014

Magic pen : Dylan Horrocks et l'amour de la bande dessinée

Magic pen
Dylan Horrocks

Casterman Sept 2014
225 p.

Dylan Horrocks est un auteur néo-zélandais connu des publics français grâce à l'Association qui a publié son cultisme "Hicksville" en 2001. (Lire ma chronique d'alors). Ce roman graphique explorait déjà avec justesse l'univers de la bande dessinée, dans une mise en abîme très poétique et documentée.
Un long hiatus a ensuite suivi cette publication chez nous,  malgré ses autres productions indépendantes : "Pickle, Atlas".. dont certains sont d'ailleurs citées au passage ici.

C'est donc avec grand plaisir qu'on retrouve l'auteur dans une traduction bienvenue de Jean Paul Jennequin.
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Sam Zabel est un auteur de comics quadragénaire, dont la vie de famille quotidienne a pris le dessus sur l'inspiration. Cet auteur n'est autre que Mr Horrocks lui-même en réalité, aux vues de certains de ses comics montrés au fil du récit. On retrouve en effet Pickle (l'embarras), récit "autobiographique", mais aussi d'autres, fictionnels, comme Lady night : la reprise d'un personnage fictif des années 50 : "La maîtresse des mystères", créée par Lou Goldman en 1952 (dixit l'auteur).
A l'occasion d'une conférence où il est invité à parler de sa carrière, il rencontre une demoiselle passionnée qui lui fait découvrir un comics de l'âge d'or, créé par un certain Evan Rice : La reine de venus. Ce comics possède une particularité cachée : il permet, lorsque l'on souffle sur un de ses pages, d'être transporté en son sein. Commence alors pour Sam un voyage initiatique, grâce au magic pen, crayon magique qui a permis de dessiner tout un tas de comics qu'il va découvrir au fur et à mesure de ses voyages fantastiques.

"Non, je ne suis pas votre créateur"
Sam sur la planète venus.

"La reine de Venus" et le "Roi de Mars" sont les premiers comics dans lesquels Sam va être projetés. Ces récits de SF peuplés d'amazones attendant leur roi est un bien agréable endroit, mais qui ne convient pas au jeune dessinateur en recherche d'inspiration et surtout de sens à sa vie.

L'apparition d'un personnage secondaire, sorte de guide, petite écolière tirée d'un manga, va lui permettre alors de se rendre dans d'autres univers, et c'est l'occasion pour Dylan Horrocks de nous faire revisiter toute l'histoire de la bande dessinée : super-héros, science-fiction, aventure, polar, manga. (Superbe chapitre hentaï (manga d'horreur) en fin de volume).., avec au passage des clins d’œil aux anciens, inspiration et repères dans cette longue tradition de dessinateurs de récits souvent oubliés.

Manga vous avez dit ?


Un des comics ayant marqué" l'auteur !?
On notera à cet effet, et au delà des hommage aux comics, le clin d'oeil à Hergé et Tintin avec la case où l'on voit l'auteur lisant un album du reporter belge à ses filles. Quant à l'Amérique, si Evan Rice semble être un auteur oublié, il n'est que le continuateur d'un certain Joe Curtis, auteur fictif de la fin de la seconde guerre mondiale de "Jorna, reine de la jungle". (Un autre hommage à "Lorna jungle queen").  C'est lui qui a formé ce dessinateur, et lui offert le magic pen.

Le trait de Horrocks, est de la famille des Craig Thompson, Fredrik peeters ou Blutch, une sorte d'école "libre", indépendante et à la fois nourrie par tout ce que la bande dessinée à pu produire de plus sympathique. Leurs noir et blancs sont pétris de ligne claire et d'influence américaine.
A cet égard, les superbes dessins féminins en noir et blanc de Lorna, visibles sur une ou deux cases seulement, montrent à quel point Dylan Horrocks est à la fois un sympathique rendeur d'hommage, mais surtout un dessinateur agréable, au trait rond, dont on a envie de voir davantage de planches en noir et blanc. C'est ce qui fait regretter entre autre cette mise en couleur, ou l'indisponibilité de ses autres comics indépendants publiés en n/b, tel "Atlas".

> Quoi qu'il en soit, Magic pen est un roman graphique agréable, ludique, plein de clins d’œil, qui donne envie d'aller découvrir les hommages rendus.
La mise en abîme pourra rebuter les moins avertis, mais l'album est conseillé à tous les publics.


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jeudi 18 décembre 2014

L'Intrépide : on reprend une dose (irradiée) de comics français !

L'intrépide, tome 1
sous-titré : des aventures inédites de l'Intrépide
Marcus : idée originale/scénario, avec Remi Guérin
Guillaume Lapeyre :
dessins.
Ankama
Août 2014

Ankama, on connaît, et ici, on apprécie surtout la collection 619 de Run : comics fusion bien déjantés, tout comme Mutafukaz.
Mais cet Intrépide-là nous vient directement du passé, puisque c'est l'animateur Marcus (émissions Game one, Nolife), qui, se rappelant qu'il avait dessiné à l'âge de dix ans une BD rigolote avec un super héros en collant, s'est vu "offrir" par des potes la réalisation d'un vrai bouquin, trente ans plus tard.

L'intrépide, aujourd'hui, et pour ce qui nous intéresse, c'est un jeune garçon d'une vingtaine d'années, avec cagoule et collants (vert et rouge), qui déboule via une sorte de portail dimensionnel dans le Paris d'aujourd'hui aux halles. Mais il ne reconnait rien. Normal, il vient du passé : celui du début des années 30.
Petit fils (orphelin ?), d'Yvonne Chalamond, la servante de Pierre et Marie Curie, (célèbres physiciens ayant été nobelisés pour leurs études sur les radiations et le radium/polonium en 1903 et 1911, il habite avec elle dans la maison d'époque, bien conservée (normal c'est un musée), et se fait concocter des bons petits plats par sa grand-mère, qui a hérité de la cuisinière des époux chimistes. Sauf que patatra.. cette cuisinière, complètement irradiée, a le pouvoir de donner la force de l'aliment ingurgité. (Chouette = vision de nuit, Bretzel d'hypocampe = super nageur, …etc.)
Presque du Tony Chu, mais pas tout à fait.
La maison des Curie
Partant de ce principe, plutôt sympa, et quelque peu steampunk, qui nous permet de voyager à travers ces époques, on ne tarde pas à rentrer dans l'action, car apparaît alors le Voleur vert, un méchant.
Et là, on part dans un registre beaucoup plus science-fiction, et US, avec un combat dans des univers parallèles qui nous mènent jusqu'à la préhistoire.
L'intrépide parvient à réchapper de ce combat difficile, tandis que son adversaire, reste (pour l'instant) coincé dans le temps.

> Si le récit écrit par Marcus, sûrement bien aidé par Remi Guérin (City Hall, avec Lapeyre), fonctionne et donne un bon comics de super héros à la française (tiens, c'est la mode en ce moment), c'est surtout le trait oscillant entre réflexes japonisant et comics Lug  de son collègue dessinateur qui donne du plaisir à la lecture.
Les couleurs sont bien rendues, et l'objet à la maquette avec rabats, dans un format dos carré collé, fait plaisir et donne envie d'être conservé.
Bref, , après Fox boy et the Formidables, c'est le troisième comics français dont on peut être fiers et que je vous conseille cette fin d'année.

Ps : On se serait par contre sûrement passé des bonus de fin nous montrant l"'origine" du projet, (mdr) avec les dessins de l'auteur à dix ans, (moi aussi, j'ai des dessins de cette époque, si Ankama est preneur…), mais... l'opération est réussie.

Voir le lancement : http://www.ankama-editions.com/fr/news/423388-sapristi-intrepide

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samedi 6 décembre 2014

The Formidables : le comics français au meilleur de sa forme !

The Formidables 1 - Fierté et préjugés
Chris Malgrain, scénario, dessin
Christophe Lacroix (coul.)
Oniric comics, Nov 2014


Chris Malgrain baigne dans le comics depuis de nombreuses années et a développé au fil du temps un style graphique très fluide proche de John Byrne, qui n'a rien a envier au meilleurs des années 70.
Il propose ici, sur son propre label*, une nouvelle série de super héros semi réaliste dans un contexte 'historique' : celui du début des années soixante américaines.
Après une rapide présentation sociétale de l’époque (combats pour les droits civiques); il nous présente ses personnages et nous entraine rapidement dans l'action.
En utilisant le facteur de la guerre froide, il fait s'affronter le bloc communiste représenté par Storm fighter, un aliéné du klu klux klan, atomisé, au sens propre, qui a gagné des pouvoirs destructeurs.
Quatre autres super héros plus rassurants vont s'opposer a lui. Leurs particularités sous leurs 'costumes' : un est noir, l'autre homosexuel... problématique lorsque l'ont vit en 1959 aux USA.

Une première partie de 56 pages plutôt bien ficelée avec un parfum 70's revendiqué, qui offre sans nul doute l'un des, sinon le meilleur album de l'auteur à ce jour, en tous cas le plus personnel. ('Venus', chez Original watts, superbe, étant davantage un art-book scénarisé qu'un album au sens habituel du terme.)

> Du comics haut de gamme made in France.

Vivement la suite ! 


Ps : On attends pour 2015, en plus d'une suite, un art-book des Formidables avec la participation de nombreux super dessinateurs français et étrangers.

Belles pages de garde colorisées par Olivier Hudson

(*) Oniric comics, en partenariat avec Demactive conseil, qui ont permis une belle édition cartonnée luxueuse, avec quatre pages de Pinup (panthéon créateurs: Stan Lee, John Byrne, Jack Kirby et Mitton), plus un dessin inédit de Mitton, deux couv de séparations façon edition "US", et ces belles pages de garde très stylées eighties (légèrement pixélisées) :-)

> La Page facebook Oniric, pour se tenir informé des parutions.

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vendredi 5 décembre 2014

Pour les fêtes de Noël, n'oubliez pas...


Ces deux albums :

Saint Exupéry, le seigneur des sables
de : P. R Saint-Dizier, Cedric Fernandez
et Franck Perrot, (coul.)
Glénat, Oct 2014

…Après différents travaux et un album d'aviation chez Zephyr, (pseudo Rivera),  revoilà Cédric Fernandez sous son vrai nom, avec la mise en images d'une captivante première partie de la vie d'aviateur professionnel de l'auteur bien connu du Petit Prince.
Le dessin au trait fin du dessinateur s'est affiné et surprend par sa précision. Le découpage est aussi très maîtrisé. Les deux, associés aux superbes couleurs réalisées par Franck Perrot, donnent à lire un album réussi.

On aimerait pouvoir découvrir les aquarelles de Franck en bonus dans une édition de prestige, mais, tirée à environ 11.000 exemplaires, nul doute que cette première édition sera déjà une des réussite de ces fêtes de fin d'année.

Fox Boy, Tome 1 la nuit du renard,
du rennais Laurent Lefeuvre
chez Delcourt, Sept 2014

Dans ce tout nouveau et bel album cartonné, de la collection Comics fabric, sous-titré (avec un sticker) : "Les débuts d'un super-héros breton", l'auteur redéfinit les origines de la transformation de Pol Salsedo, jeune lycéen rennais, qui un soir de rixe avec d'autres lycéens, se réfugie dans une fête foraine, et, sans ses lunettes, se retrouve dans la boutique d'un occultiste, qui va lui faire "don" d'un étrange "malédiction". Paul sera désormais un renard garou (d'après l'animal empaillé qu'il a aperçu au fond de la boutique), et aura les atouts de cet animal.
(..)
"La nuit du renard" se lit d'une traite avec beaucoup de plaisir, que l'on connaisse ou pas déjà le personnage. Les amateurs de comics apprécieront, tout comme les amateurs de bande dessinée franco-belge.
Il est en effet pas courant d'assister à la naissance d'un nouveau (super)- héros 100% français, et franchement, lorsque ses aventures sont racontées et traitées avec autant de talent et de bonne humeur (Tout en traitant ouvertement de sujets sociaux et politiques : on parle ici de Bretagne mais pas que…), on ne peut qu'être conquis.

Vivement la suite !
> La chronique complète sur Hectorvadair's

Edwin : un premier album révélation

Edwin, Le voyage aux origines
Julian Lambert, Manon Textoris
le Lombard, Sept 2014
72 pages, plus cahier graphique

Edwin est un album dont les auteurs ont bénéficié d'une résidence à la maison des auteurs au centre international de la bande dessinée d'Angoulême. Ils ont aussi obtenu le prix Raymond Leblanc (fondateur des éditions Lombard) des jeunes créateurs.
C'est justifié, pour un 1er album d'aventure au charme certain.

Londres 1854, Edwin est un jeune étudiant scientifique qui rêve de découvrir les origines de l'homme. Rejeté par ses pairs qui ne voient en lui qu'un jeune fou, il embarque clandestinement avec son majordome dans les cale d'un bateau en partance pour l'Afrique, affrété par un scientifique aventurier sans morale.

Suite à un naufrage, Edwin se retrouve néanmoins sur une terre qu'il croit être l'Afrique, mais qui va lui réserver bien des surprises.
Il va découvrir, plus que les origines de l'homme, ses propres… origines.
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J'ai été charmé par cet album au dessin agréable, posé sur un papier mat de bonne qualité, qui nous embarque pour un récit  fantastique, dans le sens le plus classique du terme.
Manon Textoris a écrit un beau récit d'aventure intérieure, et Julian Lambert est une révélation graphique intéressante.

Je n'ai pas pu m'empêcher de penser à la Vallée, de Forneri et Trystam, lors du passage étrange des sosies dans le petit village… et la fin très poétique en barque, dans l'océan infini, m'a ramené aux agréables sensations de la Ballade de la mer salée de Hugo Pratt.

...Des références qui devraient vous donner envie de lire ce one-shot, idéal à offrir, tous publics.

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Analyses