lundi 26 mai 2014

Storm dogs, l'orage vire à l'acide

Storm dogs 1 L'orage
David Hine, Doug Braithwaite, Ulises Arreola
Delcourt, Av 2014

On a rarement eu l'occasion de parler en détail de Doug Braithwaite, dessinateur londonien ayant un trait stylisé pastel gras très reconnaissable. Les couleurs généralement appliquées sur son trait le rendent encore plus original.
A part ce Storm dogs, nouvelle création de son ami David Hine  (Spider-man noir, First wave Spirit…), les lecteurs français avaient surtout pu le découvrir en album dans JLA justice (Panini 2006-2008, avec Jim Krueger), Punisher "mère russe" (avec Garth Ennis, 2006), et l'épisode "Sans péché" de Green arrow (Panini 2011), là aussi écrit par Hine; car le reste de ses apparitions sont plutôt kiosque.

Mais c'est je crois, avec cette nouvelle série hors super héros publiée chez Image, que Doug Braithwaite va vraiment se faire un nom et une place, du moins en France, car tout son talent ressort dans ce polar de science-fiction très prometteur.
Dough Braithwaite qui vient
de travailler sur Loki

Dans un futur lointain, une équipe d'enquêteur humaine arrive sur Amarante, une planète colonisée mais réglementée en terme d'exploitation de son minerai, qui est peuplée d'autochtones normalement respectés : les Elohis, accompagnés de leur inséparables Joppas, sortes de protecteurs et traducteurs.
Des meurtres ont été commis, et l'équipe dirigée par Cassandra : Masika, Jered, et Siam vont devoir travailler avec Curtess Stark, le shérif de Doléance, la ville minière, et son adjoint (violent) Bronson, afin de comprendre ce qui se passe sur cette planète très dure à vivre, où les humains présents, la lie de la société, on du mal à cohabiter avec le reste de la faune locale.
Mais ce fragile équilibre n'est-il pas remis en cause pour des raisons éminemment politiques et volontaires ?

Jered enquête.
Une page issue du blog de David Hine

Ce premier volume regroupe les six premiers épisode de Storm dogs*, les "chiens de l'orage", du nom de ces premiers chiens de colons, qui sortaient sous la pluie acide d'Amarante, et que l'on donne dorénavant à ces humains qui sortent avec leur combinaison renforcée malgré la dangerosité des orages de la planète.
Tout y est original et captivant. David Hine sait nous proposer une histoire à suspens, dans la plus pure traditions des polars à enquête, en y ajoutant tout le piment d'une atmosphère dangereuse, oppressante, où le danger peut venir de n'importe où, et surtout d'ailleurs d'où on l'attend.
Car si des humains ont été massacrés par des créatures inconnues lors d'une sortie, il n'est pas impossible que certains responsables de Doléance ne soient pas à l'origine de ces meurtres.

Le peuple Elohis a aussi ses secrets, et la "trame" que l'équipe à laissée en arrivant, sorte de réseau internet évolué, amène aussi un surplus de dépendance au milieu naturel ambiant, qui rajoute au sentiment de danger dans lequel les protagonistes se trouvent.

Un premier tome passionnant, et graphiquement réussit, qui place dores et déjà cette série dans l'une des meilleurs de science-fiction de ces cinq dernières années.

(* L'album se conclu par un petit épisode publié aux USA dans le ComicBookLegalFund, et dix pages de présentation des personnages principaux. Les couvertures originales séparant, en bonus, chaque chapitre.)

Voir le blog de David Hine

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mardi 20 mai 2014

Alix : Britannia, une manche gagnante !

Alix T33 : Britannia
Mathieu Breda, Marc Jailloux
, d'après l’œuvre de Jacques Martin
Casterman
Mai 2014

Les sorties d'albums d'Alix repris par divers scénaristes et dessinateurs depuis (et avant) le décès de Jacques martin, son créateur, en 2010, sont maintenant bien calées, et leur rythme de parution ne dépasse pas six mois pour certaines. (Cf l'Ombre de Sarapis : Novembre 2012, et La Dernière conquête : Avril 2013 !). ce qui, avouons-le, est un peu trop.
On a beau aimer un personnage de fiction, le risque de cumuler les sorties d'une même série à ce rythme effréné sont de les faire se télescoper tout simplement avec le reste de la production, tout aussi intéressante, mais plus certainement de les "perdre" dans la masse des nouveautés BD.
On ne met en effet plus en avant un "blockbuster" de ce type, comme à la glorieuse époque où seuls une dizaine de titres des grandes maisons d'édition d'alors paraissait par an. (Casterman, Lombard, Dupuis ?)
Il ne reste plus dés lors à l'album qu'à arborer sa plus belle couverture, pour tenter, l'espace de quelques jours (quelques semaines) d'attirer les curieux et les amateurs.

Britannia possède cet atout, et ce n'est pas le seul.

Avec un superbe dessin magistralement mis en page par Marc Jailloux, repreneur de l'autre série antique martienne Orion et réalisateur d'une poignée de couvertures spéciales d'Alix lors de son cinquantième anniversaire, on est immédiatement happé et séduit par ce nouveau titre.
Une des couvertures spéciales dessinées par M. Jailloux en 2013

Les protagonistes, réunis dans cette planche,
issue du blog L'universo de Jacques Martin
La ressemblance du trait, des attitudes, jusqu'aux couleurs utilisées (à l'ancienne, c'est à dire pas criardes), sont telles que l'on jurerait un album créé dans les années 60. Ce qui, pour ce qui doit être une reprise de classique, sonne plutôt juste.

Nous sommes en -54 avant JC, et Jules César, intéressé par des promesses d'éventuelles richesses sur place, s'apprête à lancer, après une première expérience fâcheuse un an plus tôt, des centaines de navires et sept légions sur Britannia, de l'autre côte de l'océanus Britannicus (la Manche).
Alix et Enak suivent les préparatifs à Portus Itus (gaule Belgique) et ne vont pas tarder à embarquer, invité par césar à participer à l'opération.
Ces derniers devront lier d'amitié avec Manssios, prince déchu de la tribu autochtone des Trinovantes, ouverte aux relations romaines, dont la famille a été trompée et massacrée par un chef "indépendantiste" : Carsinos.
Il doit aider césar dans son combat pour retrouver son trône.
...Au milieu de tout ce beau monde : Viridoros, un marchand briton servant d'informateur à César, qui semble cependant jouer double jeu…


Mathieu Breda et Marc Jailloux ont écrit une histoire de bon niveau pour ce nouveau tome, et celle-ci parvient à nous capter de bout en bout, même si la ficelle de l'informateur/traître n'est pas très fine. On évolue cependant dans un contexte historique intéressant, bien rendu, qui permet au lecteur de prendre conscience de la complexité des relations politiques au sein d'un même peuple insulaire, que l'on aurait eu tort de croire, à l'époque, plus solidaire face à l'invasion.
Les choses ne sont bien évidemment pas aussi simple que cela, et l'épisode du massacre de druides par un chef Briton, afin de s'emparer du pouvoir, est en cela marquant et éclairant.

Alix, fidèle à lui-même, a l'occasion une fois de plus de montrer son humanisme auprès de prisonniers. Mais cela, et c'est bien ainsi, ne suffit pas à retourner le cours de l'histoire (avec un petit h), ni son immoralité.
Cette notion d'immoralité conclue l'histoire, de manière à la fois réaliste et poétique, dans la grande tradition des meilleurs albums d'Alix.

.. Du bel ouvrage, qui redonne enfin un cadre à la hauteur de ce personnage classique si charismatique.
On remercie pour cela Marc Jailloux, son "papa" depuis la Dernière conquête, dont le talent n'est plus à démontrer !

- Rappel : pour tout savoir (et discuter) sur Alix et les œuvres de Jacques Martin : le forum Alix, Jhen et les autres.


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