samedi 19 février 2011

Des Dieux s'embètent..

Des Dieux et des hommes, T1
JP Dionnet, Laurent Theureau
Dargaud 2011

Jean Pierre Dionnet, grand gourou de la bande dessinée et de comics, (re) connu pour être l'un des fondateurs de la revue Metal hurlant (1974), scénariste de bonnes séries SF et spécialiste de cinéma de quartier connait bien Laurent Theureau, avec lequel il a collaboré sur l'essentiel des albums de ce dernier, dont "l'Age de miséricorde" en 1993.
Theureau quant à lui, bien qu'il ne soit pas l'un des dessinateurs les plus connus du grand public (en effet, à part la Trilogie d'Ellis d'"Exterminateur 17" (2003-2008), scénarisée par Dionnet, il n'est seulement auteur de de quelques one shot) possède une belle touche particulière reconnaissable entre mille qui pourrait être seulement comparée à celle de l'auteur espagnol Michelangelo Prado. (même trait craie - yonneux")
* Trilogie dont le premier tome (qui devait être unique ?) de cette série "culte" oserais-je dire a été dessiné par Bilal en... 1979 !

Dionnet repart donc au long cours sur ce qui devrait être au final une saga de science fiction, en nous offrant d'entrée avec la communication associée l'opportunité de visualiser son idée, (30 albums prévus) et de planifier ses sorties, très rapprochées. (!!) C'est plutôt une grande et bonne nouvelle.

L'ambiance comics mainstream n'a jamais été aussi présente dans ses autres albums, et si au premier abord graphique, l'univers moebiusien saute aux yeux, (grands espaces, désert) on n'est pas loin non plus de Marvel avec ces personnages en collant se déplaçant dans le ciel. La seule différence résidant dans le fait que d'emblée les super-héros ne sont pas des hommes mais des Dieux, et que les hommes ont presque tous disparus.
En effet, si le récit s'appuie sur le constat que 66 "immortels" sont apparus enfants dés 1929, recueillis par les hommes, celui-ci commence en 2047 (...)

Mais que se passe t-il dans ce premier tome ? :
Dans un désert, d'aspect américain, deux Dieux : le seigneur de mouches et le N° 1 s'affrontent à la manière de super héros ou d'Asgardiens (déplacement d'éléments : terre eau, feux...). Si on ne saisit pas bien le pourquoi de cet affrontement, 13 pages de vrais faux articles de presse de l'époque ("Nouvelles du monde") s'ajoutent en fin de volume, afin de permettre peut-être une meilleure compréhension du contexte.

Une des scènes les plus intéressantes demeure néanmoins le passage où la Reine des neiges, la compagne du seigneur des mouches est invitée à aller voir le nouveau né d'un de ses rares "amis" humains : "Jo", séparé d'eux avec sa famille par une sorte de coupole géante (les Dieux et les homme de fraient pas, et il faut les préserver les pauvres survivants!), parce que cela est... émouvant d'après elle.

Ce passage pique la curiosité, tout comme la destruction ensuite de l'habitat très high tech de notre couple divin par l'autre Dieu revanchard, les laissant dans une situation de souffrance presque humaine..
On imagine que ces évènements, finalement assez anodins au regard de la courte durée de l'album, (48 pages, mais agencées en grandes cases plutôt flashy) trouveront d'avantage d'explications et de rebondissements dans les suites imaginées par l'auteur.
C'est en tous cas ce que l'on souhaite à la lecture de "Des Dieux et des hommes", apparemment très ambitieux, mais qui laisse une petite impression de frustration.

> Une interview sur France culture par Philippe Mandel, pour savoir à Quoi Dionnet a pensé.

> Le blog de Jan Pierre Dionnet

lundi 14 février 2011

Body world : Une plongée psychedélique

Body world
Dash Shaw
Dargaud 2010

L'américain Dash Shaw a d'abord été publié par les éditons Ca et là en 2008 avec un gros pavé de roman graphique noir et blanc (enfin, encre claire) intitulé "Bottomless Belly button".
Ce roman, sélectionné au festival d'Angoulème 2009 (mais pas élu) a pu impressionner par son volume et on imagine qu'il a sans doute été surtout lu par les amateurs déjà convaincus de ce type d'ouvrages. Néanmoins, l'auteur âgé alors de seulement 25 ans semblait promis à un bel avenir.
> Lire le bel article récapitulatif sur Evene.fr

Le revoilà en traduction française, chez un autre éditeur, mais avec un autre livre oh combien étonnant, qui surpasse encore le précèdent en tous points : maquette, couleurs, scénario, dessins, : c'est à un véritable chef d'oeuvre auquel on a ici à faire.

Body world, c'est un peu "Le Festin nu", ou "Las vegas parano", entendez : une immersion dans la tête d'un prof de biologie sur un campus universitaire dans une petite ville des USA, Boney Borough, en 2060. Sauf que ce prof : Paulie Panther, est camé et passe son temps à tester toutes les plantes qu"il trouve, allongé dans sa baignoire, un poster psyché au plafond.
Le jour où il tombe sur un pare terre de fleurs bizarres dans le petit bois qui jouxte le campus;. il ne sait pas où il met le doigt...

A Boney Borough, et dans Body world, on fait aussi la connaissance de miss Jewell, prof de science et grande brune aguichante un peu sadique, qui fait du grinche à Paulie Panther.. jusqu'à ce qu'il pète un peu trop les plombs.
Mais Pearl Peach, petite étudiante blonde et pas craintive, en manque d'aventure, se montre elle d'avantage intéressée.. sauf que son ex petit copain, Billy Borg, capitaine de l'équipe de "déball", le sport local, (de toxicos, là encore), ne l'entend pas de cette oreille...
Là dessus, il s'avère que les plantes du petit bois s'avèrent venir d'une autre planète..

> Ci dessus à gauche : psychédélisme, mais aussi érotisme sadique... des scène à ne pas mettre entre toutes les mains...

Bref, Body world est déjanté, et c'est jouissif. d'autant plus que la présentation du livre a été soignée par l'auteur et l'éditeur : format vertical inédit, papier glacé, couleurs très particulières, cartes du quartier dépliantes où se déroulent les évènements afin de se repérer en début de chaque chapitre ou action importante.. et profil des personnages principaux.

...On pense immanquablement à Charles Burns en lisant Body World : Campus universitaires, jeunes décalés, personnages étranges (et je n'ai pas parlé de "Johnny cicatrices", enlevé par les extra terrestres...)
Sauf que Dash Shaw maîtrise de A à Z sont récit de 384 pages et nous entraine dans une spirale psychédélique qu'il est impossible de lâcher en cours. D'autant plus ce gâteau aux champignons sous-tend une thématique de thriller impeccable que l'on sent à peine poindre au départ.

A l'heure où "Toxic", le dernier album (1er d'une série) de Charles Burns bénéficie de mises en avant exceptionnelles en librairie et dans la presse, et surfe de manière un peu honteuse sur l'imagerie de Tintin pour ...attirer d'avantage de nouveaux lecteurs ? (là je prends des risques, surtout que je suis fan de l'auteur depuis longtemps), il est plaisant de voir que la relève du politiquement et graphiquement incorrect est prise, et de belle manière par Dash Shaw.

Magnifique, ou.. "monstrueux" !!, au choix.

Le site officiel de Body world, lisible en ligne (en anglais)

mardi 1 février 2011

Deux classiques, deux bons divertissements.

Thorgal, La bataille d'Asgard
G Rosinski/Yves Sente
Le Lombard 2011

Les derniers albums de Thorgal nous redonnent envie de lire du Thorgal.
Ca tombe bien, ce début d'année nous a proposé pas une mais deux nouveautés, avec une toute nouvelle série : "Les mondes de Torgal". Le premier tome traitant de l'enfance de Chris de Valnor, morte rappelons-le dans un des 5 précédents albums..
(On tâchera d'y revenir dans une prochain chronique).
...Chris de Valnor autour de laquelle le nouveau cycle entamé il y a dejà deux (trois ?) albums, se déroule néanmoins indirectement, par étrange que cela puisse paraître.

En effet, dans "la bataille d'Asgard", Jolan, qui est maintenant devenu le personnage central de la série assume dorénavant ses responsabilités pour affronter les dieux d'Asgard. Odin, Idun, Thor, Loki... peu des grands personnages manquent d'ailleurs dans cette description sympathique de la mythologie nordique. Les belles aquarelles de Rosinski mettant vraiment en valeur cet univers féérique, bien que dangereux.
La précédente aventure nous montrait un affrontement plutôt classique d'apprentis chevaliers, aux prises avec des épreuves initiatiques. Ici, Jolan est seul, dirigeant son armée de poupées "zombies".
Mais en dehors du fait qu'il nous offre une lecture chatoyante de la bataille des géants d'Asgard bien connue, le scénario à double tiroir nous permet de suivre en parallèle le destin de son père Thorgal qui pour sa part poursuit son enfant adoptif. Enfant qui rappelons le, donc, est issu de sa relation avec Chris de Valnor. Intéressant de noter ce clin d'oeil à la thématique de la recomposition familiale, sujet moderne s'il en est.
Jean Van Hamme a donc encore quelques cordes à son arc pour nous surprendre encore et encore, et on attend la suite avec impatience.

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Blake et Mortimer, La malédiction des trente deniers T2
Jean Van Hamme/Antoine Aubin
Ed Blake et Mortimer, 2011

Le premier tome de ce nouveau dyptique des héros créés par Edgar Pierre Jacobs portait bien son nom*. Il nous avait mis à la bouche avec un épisode écrit par Jean Van Hamme de facture plutôt classique et pouvant d'ailleurs rappeler le Mystère de la grande pyramide, avec cette atmosphère méditérannéenne se déroulant en grande partie en Grèce, et cette relation avec l'histoire antique, puisqu'il s'agissait de retrouver les trente deniers de Judas, l'un des apôtres de Jésus.

On était resté en fin de volume sur un suspense assez intéressant mettant en scène un ancien nazi essayant de s'approprier ces trente deniers symboliques, tandis que les amis grecques du professeur Mortimer nous entrainaient dans leurs aventures d'explorateurs, tentant pour leur part de mettre la main sur un trésor historique.
*Le premier tome avait subit pas mal de problèmes suite au décés de René Sterne, repris par sa femme, entre autre. ActuaBD en avait fait un bon résumé à lire ici.

Dans ce nouvel album la relève est assurée par le dessinateur assez peu connu Antoine Aubin, et l'encreur Etienne Schréder, qui assument parfaitement leur part du travail. Le style André Juillard n'est pas loin, même si on reste en mesure de faire encore la différence. Le scénario quant à lui est cohérent, avec une suite qui se déroule de manière peut-être un peu attendue mais réservant quand même quelques belles surprises, dont un peu de spéléologie. La moins intéressante n'étant pas le coup d'éclat très fantastique de la fin. Celui-ci nous permettant de retrouver les ambiances hallucinantes des albums de la grande époque.

...On n'en dira pas plus, mais on referme cet album avec la sensation de tenir là un B & M d'assez bonne facture, qui assure ce pour quoi il est de fait réalisé au départ : une oeuvre de divertissement.

Analyses