dimanche 31 août 2014

Néonomicon : Alan Moore adapte l'effroi de Lovecraft avec brio.

La rentrée, c'est maintenant !
Et si cette parution n'est plus vraiment une "nouveauté", sa lecture a confirmé la première impression positive : bien glauque et tracé au cordeau. Elle méritait donc une chronique.

Neonomicon
Alan Moore, Anthony Johnston/Jacen Burrows
Urban indies, Oct 2013

Une adaptation de mythe de Chtulu de Lovecraft, par l'un des scénaristes les plus doué de sa génération, passionné d'ésotérisme au passage, cela faisait peu de doute quant à une grande probabilité de réussite.


Brooklyn en 2004 : l'agent fédéral Sax enquête sur une série de meurtres particulièrement sauvages, typique de serial killer. Mais aucun lien entre les victimes.. à part une drogue, dont l'origine  tend à provenir d'un club branché : le club Zonthique.
Celui-ci s'y rend et prend RDV avec un nommé Johnny Carcosa, puis le suit dans sa résidence. Testant la fameuse drogue, il fait la douloureuse expérience psychotique d'une aliénation vers un univers parallèle lui faisant perdre son identité. Il prend alors part aux crimes odieux qu'il dénonçait, avant d'être arrêté et interné.
Un des comics VO, façon EC comcis

Essayant de comprendre ce qui a pu lui arriver, les agents Gordon Lemper et Merril Brears (un grand black et une belle blonde) remontent la piste jusqu'à Johnny Carcosa, puis une boutique spécialisée de Salem (Massachusetts) : "Chuchotis dans les ténèbres". Grimés en amateurs de sex-toys et de littérature occulte, ils s'y rendent, sans savoir vraiment dans quel pétrin ils mettent les pieds. La pauvre Merril va subir l'innommable…

 A ce stade du récit, déjà bien bizarre et angoissant, le scénariste nous plonge dans une ambiance mêlée d’érotisme et de suspens, avant de basculer dans quelques pages pornographiques et d'épouvante, frappant en plein visage le lecteur, ne lui laissant aucun répit ...avant le final, dans la grande tradition des récits Lovecraftiens.

Une complète réussite, dérangeante à souhait, soutenue par le dessin agréable et efficace de Jacen Burrows, et un indispensable pour les amateurs d'horreur et d'épouvante.

8,5/10

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samedi 12 juillet 2014

Miracleman : retour gagnant chez Panini



Miracleman T1 , Un rêve éthéré
MickAnglo, Alan Moore, et divers (Gary Leach, Alan Davis...)
Panini, Juin 2014

Annoncé à grand renfort de publicités dans les revues spécialisées BD, cet album cartonné semble être un incontournable. Qu'en est-il vraiment ?

Miracleman est un personnage créé en 1954 par Mick Anglo, en Angleterre pour Miller & son. Ses aventures en noir et blanc ont perduré jusqu'en 1963 et la déroute de son éditeur.
Il s'agit d'un homme : Mick Moran, l'équivalent de Captain marvel, qui gagne un pouvoir atomique auprès d'un sorcier. Pour se transformer en Marvel man (puis Miracle man, plus tard, pour sortir de l'ambiguité avec l'autre héros), il prononce le mot « Kimota » (Atomic à l'envers).
Il est rejoint pour ses aventures par le jeune Dicky Dauntless (Young Marvelman) et le jeune Johnny Bates (Kid Marvelman).

En 1982, une nouvelle revue de comics noir et blanc apparaît en Grande bretagne, intitulée : Warrior (chez Dez Skinn)
Marvel man reprend du service, relooké et dans des récits plus adultes, sous le dessin de Garry Leach pour l'essentiel, et Alan Moore pour les scénarios. Paul Newamn prête son visage au personnage, à qui on ne tarde pas (en 1985) de donner le nom de Miracleman. Entre temps, la licence a été rachetée par Eclipse comics (USA). Détail : Ces nouvelles aventures paraissent alors en couleur.

Neil Gaiman prend le relais de la série à partir du numéro 17 et la développe jusque dans les années 90, aux côté du dessinateur Mark Bukingham.


Delcourt publie le début de cette histoire en 1989.
L'édition de Delcourt de 1989

L'édition de Panini, recolorisée




















En 1996, Todd Mc Farlane (Spawn), rachète les droits à Eclipse, et réintroduit le personnage dans sa série Hellspawn, avec l'aide de Gaiman. Mais un différent au niveau des droits ne tarde pas à les opposer.
En 2009, Marvel acquiert les droits à son tour, et décide de publier une série d'albums, avec l'ensemble des auteurs ayant participé à la série. Un accord est trouvé avec Neil Gaiman, qui peut alors poursuivre ses épisodes.
C'est donc un premier volume de cette redécouverte qui nous est proposé par Panini.

...L'aspect historique, ou tout du moins patrimonial du personnage, en Angleterre et aux USA, explique le petit tapage médiatique. Mais ce n'est pas tout : s'il est intéressant de découvrir les origines du héros dans les premières pages du recueil (datées 1956), c'est surtout son relaunch en 1982, proposé en version recolorisée ici, qui impose le respect. Car si on reste bien dans un contexte de super-héros vu x fois (Captain marvel, Thor...), qui utilisent des pouvoirs à un moment de leur existence, la différence réside dans le détail que Mick Moran est un type pas très intéressant au quotidien. Il mène une vie relativement morne auprès de sa femme. Et surtout, il ne garde aucun souvenir de ses interventions en tant que super héros. C'est en tous cas le pitch de ce premier épisode, qui apporte une thématique psychologique de premier choix.
De plus, ses retrouvailles avec un de ses jeunes compagnons, perdu de vue depuis des années pour des raisons inconnues (mort?), apporte son lot de surprises et d'atmosphères dramatique, avec une scène de combat anthologique.

Il ne reste plus (4eme épisode) qu'à le faire douter complètement sur son existence (je ne dévoilerai pas tout ici), et on obtient un album particulièrement savoureux et... donc indispensable pour tout amateur de comics.
CQFD.
A lire, la chronique de MDCU, qui rajoute que les bonus sont un peu trop nombreux, eut égard au nombre de pages totales :

A lire et voir aussi : pas mal de planches de l'édition de 89 sur Artemusdada blog.

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mardi 1 juillet 2014

Rachel rising : un air des eighties sur fond horrifique

Rachel rising, T1 L'ombre de la mort
Terry Moore
Delcourt
Avril 2014

Terry Moore est un auteur américain connu pour deux séries principales : Strangers in paradise, débuté en 1994 et dont 18 tomes ont parus en France chez le petit éditeur Kyméra* et Écho.
Stp est une série privilégiant le noir et blanc, et mettant en scène deux demoiselles aux relations lesbiennes, avec un garçon fermant ce trio amoureux. Mais l'intrigue, à partir de ce constat d'une mini série au départ, va être ensuite développée dans une série complète assez complexe, aux accents politico-policiers. Une série culte, adulée comme haïe.
Echo, une série axée science-fiction a ensuite suivie, publiée cette fois chez Delcourt.

Rachel rising est son dernier projet, et celui-ci nous embarque dans un contexte et une ambiance horrifiques.
Notons que l'auteur a reçu un Eisner et un Harvey award pour ses créations.

" C'est l'aube, froide et blafarde. Rachel se réveille dans les bois. Elle s'extirpe d'une tombe creusée à même le sol, couverte de boue et de saleté. Elle rentre chez elle, mais repart à la recherche de sa meilleure amie, pour tirer au clair ce qui s'est passé la veille. Sauf qu'elle a un trou noir de trois jours. Et personne ne semble réellement la reconnaître. Fait-elle toujours partie des vivants ? "(4eme de couverture)

Rachel : Image issue de comicbookrevue.com © Terry Moore

Si les premières planches de Rachel rising pourraient faire penser à un film de zombie, on s'aperçoit assez vite que ce n'est pas de cela dont il s'agit. Rachel revient d'entre les morts, (comment pourrait-il être autrement, après avoir été étranglée et avoir séjourné trois jours sous terre ?), mais ne montre, à part quelques signes extérieurs particuliers (trace au coup, yeux injectés de sang , faculté de se régénérer suite aux blessures), aucun signe de revenant morbide tel qu'on a pu le voir dans les oeuvres classiques consacrées aux morts-vivants.
Rachel ne se souvient de rien, à part quelques bribes de flashs, retrouve ses amies qui ne la reconnaissent pas vraiment, puis chacun essaie de comprendre la situation, qui semble ne pas être isolée au cas de notre héroine.
C'est en cela que l'on rapprochera facilement Rachel rising de la série "Les revenants", du français Robin Campillo (2003), d'autant plus que le personnage principal s'appelait là aussi Rachel. Un clin d'oeil de Tony Moore au film ?

Autre œuvre similaire : Revival, chez le même éditeur, où un aspect démoniaque lié à ce genre de retour est abordé, par le biais de revenants aux intentions quelque peu béliqueuses, et d'un fantôme errant autour du village. Ce n'est pas tout à fait le cas ici, mais un ange de la mort rode néanmoins, et incite d'autres vivants à tuer autour d'eux, et à demi enterrer les corps au même endroit, avant leur retour.
Rachel, tante Johnny, et Jet.
Terrymooreart.com
Mais aussi étrange que cela puisse paraître, ce n'est pas tant le scénario, on l'a vu original, sans être tout à fait inédit, qui retient l'attention, mais le dessin de Terry Moore,  à l'encrage rond et agréable. Ses personnages féminins : Rachel, superbe blonde aux formes avantageuses, et sa copine Jet, jolie brunette qui joue quant à elle de la basse dans un groupe de jazz, forment le duo qui rappellera avec plaisir les amies de Love and rockets, la série indé culte 80's des Frères Hernandez.
Une filiation bienvenue, qui n'est que rarement citée dans les articles sur l'auteur, mais qui peut sauter aux yeux, malgré la volonté de ce dernier de nous embarquer dans l'horrifique.
Le social reste donc très présent dans ce nouveau comics, et on se demande comment Terry Moore va jongler avec ces deux aspects de son œuvre.
Une lecture très agréable et au suspens bien présent.



(*) Deux tomes ont d'abord été édités par le Téméraire en 1999, puis Bulle dog a présenté la suite via 7 tomes de 2003 à 2005, et enfin Kymera a pris le flambeau en assurant la rééditons de ces sept tomes plus la suite et fin.

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jeudi 26 juin 2014

Nicholas Grisefoth : la bande dessinée finlandaise à l'honneur chez Mosquito

Nicholas Grisefoth
la vengeance du Marchand (T2/2)

Lukkarinen et Ruusuvuori
Mosquito
Mars 2012

Pas une nouveauté aujourd'hui, puisque cet album date de 2009 en édition originale et a déjà deux ans pour cette traduction. Mais cet album fait partie du superbe catalogue des éditions Mosquito, que tout vrai amateur de bande dessinée se doit de connaître et défendre.
Edition originale tirée de
http://www.koivunalho.org

An de grâce 1299, golfe de Finlande : Nicholas Grisefoth, marchand du village de Kirkesund, accompagné du barde Detmar, son garde du corps, effectue une dangereuse mission pour le chanoine Elavus. Il doit récupérer une bague précieuse, afin que celle-ci puisse compléter la chasse des restes de saint Henrik, relique d'une valeur inestimable aux yeux des croyants. Enrichissant de fait ses gardiens.
Mais il est aussi lié en double jeu aux moines franciscains Cuno et Winandus, qui lui ont fait un marché alléchant. Il doit en effet tenter de remplacer les reliques par de fausses, afin de déjouer les plans du chanoine.

Mais au milieu de ces enjeux trop puissants pour lui, Nicholas n'est qu'un pion. Comment va t'il s'en dépêtrer ?

Suite et fin de l'épisode commencé avec "Les ossements de Saint Henrik", "La vengeance du marchand" clôt une aventure pleine de suspens et de rebondissements. On s'y promène entre villages isolés dans des déserts enneigés au mileu des loups, et villes fortifiées, grouillantes d'intrigues.

Un beau travail d'édition.
©Mosquito et les auteurs. p.19


Le style graphique très particulier de Hannu Lukkarinen, avec un noir et blanc de toute beauté rappellera à la fois  le serbe Zezelj, l'argentin Jorge Zaffino, ou par moments l'espagnol Victor de la fuente.
Quant à la narration de Juha Ruusuvuori, elle évoque aussi bien Corto Maltese pour ses intrigues pernicieuses, Toppi et son "Collectionneur", ou parfois Hellboy dans ses aspects les plus magiques. (D'ailleurs, Nicholas ne porte t-il pas un pied en forme de bouc ?)

Que de superbes références donc, pour un diptyque "haut en couleur", même si c'est c'est le noir et blanc qui domine, normal pour le pays du froid me direz-vous. Il est en tous cas très intéressant de pouvoir découvrir des œuvres de cette qualité, sortant des sentiers battus.

Les amateurs de J-George R. Martin y trouveront aussi matière à plaisir, dans cette fin de moyen-âge se déroulant aux confins du nord, avec toutes les légendes et aspects barbares que cela implique.

A découvrir absolument.

Un troisième volume "La nef de pierre", a paru en Septembre 2013.
Et Mosquito nous annonce pour bientôt un autre album de Lukkarinen : "Ronkoteus", en collaboration avec l'écrivain Arto Paasilinna.
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A lire : un article sympa  sur le dyptique : sur http://www.mortelmanagement.com

La page de la série sur le site des éditions Mosquito

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lundi 23 juin 2014

Virginia ou les fantômes de Doyle

Virginia
T2/3 Delirium tremens

Séverine Gauthier, Benoit Blary
Casterman
Juin 2014

On est d'abord interpellé par les grands formats aux couvertures couleurs pastel et aux dessins étranges de ces albums.
Un soldat sudiste dépravé, avançant aux côté d'une petite fille mortellement touchée au coeur, et d'une armée de soldats fantômes pour le tome 1;  un décor délavé de bayou, portant une pirogue menée par une enfant fantôme sur ce tome 2.
Puis la maquette, sobre, mais belle, utilisant en 1er de couv une police de titre typée XIXeme.

Une fois l'album ouvert, le charme opère encore, grâce au dessin très agréable et original (une aquarelle sous un encrage très fin), et ce scénario de repentance, au sortir de la guerre de sécession :

Janvier 1863, lake Providence : un inconnu débarque de la diligence. Barbu, peu loquace, celui-ci se rend chez le médecin du coin, et demande, ordonnance à l'appui, un produit pour sa blessure à la jambe. Le médecin, sceptique ?; lui prescrit du laudanum.
Plus tard dans la nuit, l'inconnu revient et par effraction dévalise le stock de morphine de la boutique.

Flash back : Sur le champ de bataille, Doyle, car c'est son nom, est un jeune caporal tireur d'élite, qui doit abattre, en embuscade, un général nordiste. Mais ce dernier porte sa fille dans ses  bras.
C'est cette situation critique qui va être le départ d'un drame pour Doyle, et le plonger dans une fuite en avant peuplé de fantômes.

©Casterman/Blary,Gauthier
Le premier tome installait l'intrigue et l'ambiance, sur le dessin bien particulier, et très agréable pour les amateurs de bande dessinée exigeante, de Benoit Blary, qu'on avait déjà eu l'occasion de féliciter lors de la chronique de Sigur et Vigdis, chez  le Lombard.
Ce second tome (sur trois), nous emmène un peu plus loin dans le développement de l'histoire, avec l'apparition des esclaves fugitifs au milieu des bayous, qui recueillent Doyle, vrai déchet humain, poursuivi par ses démons, afin de lui demander son aide de tacticien militaire.
Le lien avec cette équipe se fait par le biais de Virginia, une enfant noire, la fille du chef de cette troupe, celle-là même que Doyle avait sauvée d'une pendaison à la fin du premier tome.
Deux Virginia ? et un lien entre elle peu commun...
Ce qui va arriver à chacun des protagoniste nous sera révélé on l'espère dans le dernier album.

On est toujours aussi admiratif du style graphique de Blary, qui nous offre à l'occasion de ce second tome deux pleine pages d'aquarelles décrivant les rêves hallucinés de Doyle, en manque de Morphine, et du découpage au cordeau de Séverine Gauthier, qui, bien que peu connue du petit monde de la bande dessinée "adulte"*, excelle dans cet exercice du "eastern" fantastique.

Tout deux confirment donc leur talent sur cette série, avec un triptyque à venir, assez étonnant et courageux, qui fleure bon l'esprit alternatif que l'on aime aussi au cinéma dans les films d'un Eastwood ou d'un Tommy Lee Jones.
> Recommandé.

….
*Elle vient plutôt de l'édition jeunesse : Delcourt, Soleil Prod, et a beaucoup travaillé avec Thomas labourot. Un de leurs faits d'arme résidant certainement, pour la bande dessinée, dans la série indienne "Washita" : cinq tomes chez Dargaud, de 2009 à 2011.

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samedi 14 juin 2014

Station 16 : le passé les rattrape

Station 16
Yves H/Hermann
Signé Lombard, janvier 2014

Une collection de confiance : "Signé", deux auteurs "familiaux" reconnus et appréciés. et une couverture, alléchante. Cette "Station 16 "est engageante, car intrigante.

Severnaïa, nouvelle Zemble, Mai 1997. Sur cet archipel russe désertique et glacé, à l'extrême nord du pays, une équipe militaire capte un SOS radio étrange provenant de la station 16. Mais il se trouve que cette station, connue pour ses nombreux essais nucléaires dans les années 50 est abandonnée depuis.
Dés lors, dans le doute, une petite troupe part en hélicoptère pour une mission de reconnaissance et de sauvetage. Mais ce qu'ils vont trouver sur place défie l'entendement…

Yves H a prouvé avec les précédents albums réalisés avec son père (Trilogie USA, Zong Guo, Liens de sang…) qu'il savait écrire de bonnes histoires en one-shot. Il le prouve une fois encore ici, avec un récit fantastique se servant des ambiances tendues propices de la guerre froide. Si la situation de départ est déjà étrange : ces soldats désœuvrés, s'amusant à jeter des pierres à un ours blanc dans une base où rien ne se passe, leur départ pour la station 16 est la porte d'un glissement vers l'irréel.
On suit l'évolution de la situation par le biais des yeux de Grichka, bleu de la patrouille, qui va vivre avec ses compagnons une expérience terrifiante.

Image issue du site Lombard. ©Hermann/Lombard

Si on aime le dessin d'Hermann, toujours aussi agréable et efficace, et cette intrusion scénaristique dans les domaines fantastique/science-fiction, plutôt bien traitée et angoissante, on reste un peu sur notre faim avec le final, quelque peu "facile", qui aurait mieux convenu à un court récit qu'à un album de 58 pages.
Le rebondissement non-sensique et à l'humour noir, typique des EC comics, distille en effet un sentiment de fin en queue de poisson peu emballant. On aurait préféré rester dans l'univers irréel ou dans le doute total.
Le fait qu'en fin de volume, Yves H propose 4 pages sur son projet, mêlant dossier historique sur cette station ayant vraiment existée et l'idée du développement de son scénario, tend à nous faire penser que cela était utile, pour mieux comprendre l'album.
Ce n'est pas le cas.

Une fin un peu dommageable, pour un album par ailleurs très agréable, et bien glauque.
Fascinant en tous cas.

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dimanche 8 juin 2014

Northlanders : vous me mettrez 1 kilo 6 de Vikings !

Northlanders
T1 le livre anglo-saxon

Brian Wood/ collectif
Urban/ vertigo essentiels Fev 2014

Northlanders, gros pavé cartonné de 480 pages, format comics, se pose là comme bande dessinée. Un livre dont l'épaisseur et la couverture hyper accrocheuse (peinture de Davide Gianfelice) suffiraient à elles seules à garantir une place de choix dans toute bibliothèque.
Mais si l'apparence de ce premier recueil consacré aux Vikings est soignée, la maquette intérieure et la qualité des récits remportent aussi l'adhésion.
D'ailleurs, Urban comics a décidé, en concertation avec Brian Wood de choisir pour ce volume rassemblant 19 comics, un ordre chronologique et une unité de lieu : les îles anglo-saxonnes.

Au delà des textes très intéressants de Patrick weber (5 pages), de recherches graphiques, des couvertures originales, et des biographies d'auteurs, la maquette propose le sommaire suivant :

- Lindisfarme,
Nord de l'Angleterre. 759 après JC
Dessin Dean Ormston, 2 chapitres.

L'arrivée des Vikings dans le village de Lindisfarme, où un père et son fils, se sentant protégé par l'imposant monastère représentant le dieu tout puissant, ne réalisent pas l'implacable détermination du peuple des mers.
Le fils, lui, ne se reconnaissant pas dans le catholicisme imposé, va, à force de rêveries éveillées, participer au cauchemar…
Image issue du site Delcourt


- Skjaldmos
Midlands, 868 ap. JC
Dessin Daniel Zezelj,  2 chapitres

Les saxons veulent aussi les terres où se sont établis les danois, (la Mercie danoise), et ils pillent et tuent, mettant en fuite trois femmes guerrières, les "Skjalmos". Poursuivies, elles se réfugient au sein d'un petit château abandonné, à moitié immergé., rendu accessible lors de la marée basse. Elles vont défendre le trésor de leur village, emporté avec elles, avec fureur, puis devenir malgré elles une légende.

- Sven le revenant
Les Orcades, nord de l'Ecosse 980 ap. JC
Davide Gianfelice, 8 chapitres.

Sven est un Varègue, (mercenaire suédois ou danois écumant les routes maritimes de l'actuelle Russie à Constantinople). il va retourner aux Orcades, d'où il vient, afin de tenter de récupérer son trône, spolié étant enfant par son oncle. Mais il n'est ici qu'un étranger…

Sven le revenant à un quelque chose de Beowulf, dans la force que met cet homme, seul, à vouloir réparer une injustice, et dans les décors de falaises déchirées qui nous nous sont proposés, lors des derniers passages du récit.

L'histoire mouvementée et dramatique d'un homme au destin compromis, où la rage le cèdera à l'abnégation.

- La fille de Thor
Les Hébrides, ouest de l'Ecosse, 1014 ap. JC
Marian Chruchland, 1 chap.

Etre fille de chef, cela ne suffit pas à être reconnue comme tel, surtout lorsque celui-ci meurt, assassiné.
Birna Thordottir devra prouver, arme à la main, qu'elle est capable de mener son peuple.

Ryan Kelly ne fait pas dans la dentelle.
http://funrama.blogspot.fr/

- La croix et le marteau
Irelande, 1014 ap. JC
Ryan Kelly, 6 chapitres.

Dernière histoire, mais pas la moins poignante. Celle-ci nous conte la fuite effrénée de Magnus, force de la nature, accompagné de sa jeune fille, au sein des landes irlandaises occupées.
Ragnarsson est le chef d'une troupe envoyée par le roi Sigtrygg, afin de mater la dernière rébellion menée par ce loup solitaire, sanguinaire et insaisissable.

Quel combat mérite d'être mené ? Quand commet-on l'irréparable ? Peut-on garder son humanité au sein d'une guerre ?
Voilà quelques thèmes abordés dans ce récit fort, sans concessions, dessiné par le très expressif Ryan Kelly ("Local", chez Delcourt)


Northlanders, débuté en 2007 aux USA était annoncé comme une série de qualité consacrée à ce peuple mal connu que sont les Vikings.
Brian Wood (DMZ), scénariste inspiré, a su écrire de très bonnes histoires à partir de bases historiques solides, et s'entourer de dessinateurs tous très talentueux, se mettant parfaitement au service des histoires.

Une série destinée à la fois aux amateurs d'histoire et de Comics, pleine de bruit de fureur, de couleurs... mais ne négligeant pas le fond. Donc incontournable.


Deux autres tomes sont annoncés : Le livre islandais, et le livre européen.

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Analyses