mercredi 12 février 2014

Le Chevalier double : les très riches heures de Modrimane

Le chevalier double
Modrimane
d’après l’oeuvre de Theophile Gautier
La Malle aux images/Boite à bulles
Janv 2014


La boite à bulles fait partie de ces petites maisons d’édition qui, sans faire de bruit, s’installent tranquillement dans le paysage de l’édition jeunesse et de la bande dessinée, et ce depuis 2004.
Ici, cette adaptation d’un conte de Théophile Gautier tombe à point pour nous rappeler au souvenir d’un auteur « classique » du XIXe, et nous présenter une jeune auteure de talent.

Si beaucoup de lecteurs connaissent Théophile Gautier pour ses poésie ou ses nouvelles fantastiques étudiées à l’école, peut-être certains ont déjà lu « le chevalier double », conte d’une huitaine de pages paru en 1863 dans un recueil "Romans et contes".
...Nous sommes au moyen-âge et, un soir d’orage terrible, le château du comte Lodgrof accueille un étranger, seul, musicien et poète, dont « le sourire et le regard glaçaient de terreur et vous inspiraient l’effroi qu’on éprouvent en se penchant sur un abîme ».
Mais cet étranger est envoutant, et Edwige, la jeune comtesse, fille du comte, tombe amoureuse et se laisse séduire. …Et la pluie dure.. dure… et l’étranger reste….

Quelques semaine plus tard, alors que les éléments se sont calmés et que l’étranger est enfin reparti, Edwige se retrouve enceinte, puis accouche d’un bébé. L’accueil de ce garçon, héritier, que l’on nomme Oluf est plutôt positif. 
Mais Oluf se révèle être un garçon double. Tantôt « bon comme un ange, tantôt méchant comme un diable ».
Il lui faudra reconnaître la part démoniaque qui est en lui pour déclarer enfin son amour et assumer sa vie pleinement.


P. 31 ©Boite à bulle/Modrimane

Modrimane, (Maud Riemann), jeune illustratrice ayant fait Emil Cohl (Lyon), et travaillant beaucoup pour la jeunesse, chez Fleurus, Belin, ou aux éditions Ricochet et Bilboquet, dans des styles graphiques différents, aborde ainsi chez La boîte à bulle son deuxième album de bande dessinée, après « Le vol de la cigogne » (Sarbacane, 2010).

Ce qui saute au yeux dans ce petit album aux couleurs flashy, c’est l’aspect onctueux et doux du dessin de la demoiselle. En dehors des effets de touches colorées sur les personnages et les décors, (manière très moderne et numérique de disposer les aplats), l’encrage est réalisé au pinceau, tendrement, dans une tradition ligne claire qui rend la lecture très agréable.
On cherche alors la facilité et les raccourcis d’une telle magie, et nous nous rendons compte qu’une réelle maîtrise est à l’ouvrage, tendant même à présenter dans certaines cases de vrais tableaux moyenâgeux.
Le calendrier, le mois d'Août © RMN / René-Gabriel Ojéda

La scène de bataille finale (p.47 à 50),
particulièrement réussie
Si Le Chevalier double n’est pas les « Très riches heures du Duc de Berry » (ci-dessus), il faut cependant remarquer de nombreuses belles cases (scène de chasse, p.31), et illustrations pleine page (6 scènes de vie quotidienne, comme autant de tête de chapitre), jusqu’à l’illusion d ‘enluminure, p.54, (conclusion)… bien dans le style de l’époque. (XVe siècle)
Un style doux mais ensorcelant, et tous publics, répondant parfaitement à l’ambiance fantastique du récit.

Charmant, ce petit album dos toilé possède tous les atouts du livre que l’on souhaitera offrir ou nicher au coeur de sa bibliothèque.

Quant à Maud Riemman, on lui prédit un très bel avenir dans la bande dessinée avec ce style précis, et dans la mesure où elle trouvera d’autre scénarios de cet accabit.


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