lundi 23 janvier 2017

Nobody de Christian de Metter

Nobody 1/4
Christian de Metter
Noctambule/Soleil 
Octobre 2016

Christian de Metter est un auteur plutôt porté sur le polar et les ambiances angoissantes.
Dire qu’il a été repéré dés 2000 avec son premier titre Emma, paru en trois tomes chez Triskel me semble juste, tant l’univers peint était déjà particulier et personnel. D’abord le dessin de l’auteur, à la forme peinte aquarellée, très proche de ce que pouvait alors montrer de grands auteurs anglo saxons comme Bill Sienkiewicz, ou Scott Hampton. Assez rare par chez nous pour provoquer l’intérêt. Il enchaîne des 2002 avec Dusk, sur scénario de Marazano puis publie régulièrement, toujours avec cette patte si particulière et oppressante. L’adaptation en 2008 chez Casterman de Shutter island, roman de Dennis Lehane paru en 2003, le propulse sous les projecteurs. Mais c’est aussi « Rouge comme le ciel », un western crépusculaire paru chez le même éditeur en 2014 qui le sacre comme un auteur et dessinateur incontournable.
Ce nouvel album réalisé seul, est en fait une nouvelle série, qui comptera quatre volumes. 

L’auteur, qui se base sur des dossiers déclassé américains réels, conte l’histoire d’un homme barbu de 57 ans, plutôt costaud, partiellement tatoué, qui en 2007, est arrêté dans le Montana pour un crime de sang particulièrement violent, qu’il s’accuse d’avoir commis.

Un an plus tard, Mllle Brenman, une jeune psychologue diligentée par le juge afin de réaliser une expertise psychologique va s’accorder la confiance du prisonnier et rentrer dans le récit de sa vie.
Il remonte à 1967, alors qu’il est dispensé d'incorporation au Vietnam car il a entamé un premier cycle d’études universitaires. Il fait de la boxe régulièrement, mais un jour, son frère est tué à bord d’un hélicoptère militaire, en opération. Ce drame le fait tomber dans la petite délinquance et il est accusé de la mort accidentelle d’un vieil homme qu’il était en train de cambrioler. Arrêté, le FBI lui propose alors de renseigner les agissements d’une bande de jeunes activistes anti Vietnam.
Les secrets que l’homme va alors révéler à la psychologue s’avèrent lourds et plutôt dangereux…

On rentre avec envie dans ce premier tome, d’autant plus que le plaisir du dessin si particulier de l'auteur est toujours là, bien que peut-être un peu plus recentré, moins en effet de peinture peut-être... Le scénario, qui nous transporte dans la fin des années soixante américaines permet d’aborder avec intelligence les mouvements politiques d’alors et la complexité des réseaux, à la fois anarchistes et gouvernementaux. Le jeune homme, utilisé par le FBI, va être amener à trahir ses amis, et on se doute que celui-ci ne va pas en sortir gagnant.
Le côté dramatique du récit est très bien mené, le tome s’achevant sur la fin de ce premier entretien en prison, qui nous aura déjà beaucoup appris.

Un bon album, présageant d'une série efficace et intéressante.

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dimanche 8 janvier 2017

La gouache noire de Micol colle au Scalp

Scalp
La funèbre chevauchée de John Glanton et de ses compagnons de carnage

Hugues Micol
Janvier 2017
Futuropolis

Hugues Micol a été repéré dès 2000 avec la parution de « Chiquito la muerte », sur scénario de Jean Louis Capron, chez Delcourt. Si l’originalité de son trait était déjà présente dans ses récits en couleur, et ceux suivant, chez divers éditeurs, c’est son arrivée chez Cornelius, en 2008, en noir et blanc et sur son propre scénario, avec « Séquelles », qui m’a personnellement touché. Une qualité de dessin à l’encre de chine et des scénarii déjantés, qui renvoient au meilleur de ce que l’on peut attendre d’une bande dessinée aventureuse, originale et moderne.La gouache est une autre technique de Micol, et s’il l’utilise souvent pour la couleur, c’est au noir et blanc qu’il l’applique sur ce nouveau récit particulièrement détonant.

En se basant sur la vie de John Glanton, Texas Ranger pendant la guerre americano-mexicaine puis mercenaire à la tête d’une bande de tueurs d’Indiens payés au scalp, Hugues Micol livre un récit hallucinant.Si on ne s’attardera pas trop sur l’aspect historique, prégnant, basé sur le récit de Samuel ChamberlainMy Confession Recollections of a Rogue, et qui a semble t’il inspiré Cormac Mc Cathy donc Micol souhaitait adapter le roman « Le méridien de sang », (1985), il est cependant intéressant de noter que les histoires se déroulant à cette époque de la conquête de l’ouest ne sont pas non plus légion. L’album épuisé depuis belle lurette « Comanche moon », de l’américain Jack Jackson (Artefact 1980) ayant sans doute beaucoup à voir avec cet univers, même s’il aborde surtout le Texas du côté indien. On relèvera aussi le passage rapide de Daniel Boone et Davy Crocket en p.27,28,29, traité sur un ton quelque peu cynique, permettant de davantage situer le contexte et la différence entre les « vrais » héros d’alors et l’attitude quasi démoniaque de Glanton.Micol nous entraîne dans un maelstrom de chevauchés dans le désert, et de raids sanguinaires, s'appuyant certes sur un récit historique, mais empruntant les chemins d'un fantastique foutraques, nous laissant au final exangues. Si les apaches de Jean Giraud dans Blueberry nous donnaient le frisson; ils sont ici bien peu de choses face à la folie d'un homme fou et de sa troupe. Le final, (avant l'épilogue), digne de tableaux de Goya, est une apothéose d'énergie brute. 

p.70-71 ©Hugues Micol/futuropolis

A l’heure où le noir et blanc n’est plus vraiment un frein à la consommation de ce média, (cf les belles rééditions grand format de Blueberry chez Dargaud, les superbes albums de Blutch, Frederik Peeters, Apocalypse à Carson city de GriffonMartha Jane Cannary de Mathieu Blanchin chez le même éditeur, ou dans un autre genre le Grangousiers de Gabriel Delmas : Carabas 2005), on ne peut que pointer haut ce superbe album de Hugues Micol, qui, non content de raconter une histoire intéressante et extraordinaire, délivre un album de grande qualité graphique. On a même parfois l’impression de parcourir un carnet de croquis, avec ses essais abstraits (p.70-71; 118).Un beau livre, violent et sauvage, qui ne sacrifie cependant pas l’aspect scénaristique au graphisme. Merci à Hugues Micol et Futuropolis !

p.118-119 ©Hugues Micos/Futuropolis


Voir quelques planches sur le site de l'éditeur : http://www.futuropolis.fr/en-prepublication-scalp-de-hugues-micol

Analyses